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    Le confinement carcéral des logements au Pedregulho qui se comptent par centaines prend alors à la gorge ses occupants faméliques qui y pourrissent comme des cafards. Baignés par la lumière blanche du jour, des couloirs vides aériens qui s’étendent à l’infini contribuent à projeter cette sensation de chaos et de désolation dans ce bateau de l’horreur où naviguent ses prisonniers. Dans ces fausses prisons, des familles entières oubliées par le gouvernement, vivent dans le plus strict dénuement. La nourriture et l’eau chaude se font de plus en plus rares. Sur les plafonds craquelés, des ampoules nues comme des vers, projettent leur lueur blafarde sur les parois décrépies au pied desquelles gisent des lits défaits. Une odeur de renfermé envahit le plus souvent ces logements insalubres. Préférant se protéger de la pollution, les habitants laissent alors s’entasser leur odeur de sueur qui ne cesse de s’imprégner sur les rares meubles de leurs cellules. Vivant dans un véritable microcosme, ces personnes oubliées de tous contemplent leur passé pour chercher leur avenir.

    Et soudain un énième cri dans l’obscurité naissante vient déchirer la pesanteur mortuaire du Pedregulho.  Une sensation d’effroi s’engouffre alors dans les couloirs vides où seuls quelques rayons cathodiques de téléviseurs percent à travers les portes. Mais de cette clameur nocturne surgit alors de nouveau un silence de catacombe comme si rien ne s’était passé.....


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    Apartamento N°218

    Parvenu à l’endroit indiqué, Marcello entra dans une pièce où l’obscurité était totale. Il était seul. L’espace était très exigu. Des sons résonnaient bruyamment dans ses oreilles fragilisées par une récente otite. Ces bruits appartenaient au monde animal, mais il était impossible de les identifier. Au détour d’un couloir, il fut soudain ébloui par un gigantesque panneau lumineux.[ Le dos d’une femme recouvert d’un immense tatouage remplissait tout l’écran. Marcello s’arrêta, sidéré par la beauté du dessin ; Il s’agissait d’une espèce avienne qui lui était inconnue. De grande taille, cet oiseau avait une seule griffe à chaque patte. L’animal présentait sur la tête une étrange huppe, comme s’il  venait de faire la fête, avec des couleurs multicolores aux dominantes rouges briques. Il comprit alors la relation entre les sons étranges et l’oiseau en question dessiné sur ce dos. Une voix off retentit soudain et donna des informations à propos de cette espèce arboricole et grégaire. Il s’agissait d’un hoazin ; ces oiseaux vivaient dans les forêts d’Amazonie ; l’une de leurs particularités était de posséder un jabot à la manière des bovidés. Leurs cris ressemblaient à la respiration asthmatique d’un fumeur. Leur odeur était faisandée et tenait à distance tout type d’importuns. De la femme, on ne distinguait en fait rien d’autre que son dos. Le dessin tournait comme dans une simulation d’ordinateur. C’était juste un fragment de son corps un peu comme ceux que l’on peut observer dans la série des fous chez Géricault. Un brouhaha assourdissant continuait à retentir.....

     

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    Cécilia se retourna, ouvrit la porte sans la refermer et disparut dans le couloir de la péniche. Le jeune homme agacé finalement par le comportement étrange de la jeune femme, descendit de son lit pour claquer la porte. Avant de la refermer, il la regarda s’éloigner. Son excellente vue lui permit d’observer tranquillement le tatouage de la jeune femme. Sa démarche automatisée l’interpella. Il supposa qu’elle se rendait aux toilettes. Il se recoucha, le sommeil définitivement envolé, et se repassa le film de leur étrange entrevue. Il revoyait ses yeux aux pupilles dilatées qu’il avait pu apercevoir dans la pénombre, grâce aux rais de lumière tamisée provenant des hublots. Son regard fixe à la fois perçant et livide lui avait fait penser à celui d’un zombie. Il appréhendait son retour. Les minutes s’écoulèrent sans qu’elle ne revienne. Un mauvais pressentiment lui parcourut alors l’esprit. Il se releva à la hâte et se précipita dans le couloir. Tout était étrangement calme. Il avait l’impression qu’il était seul. Il monta alors sur le pont dans le froid glacial et aperçut son dos. Le trou de son déshabillé blanc flottait au vent laissant largement à découvert la silhouette de l’hoazin. Des reflets bleutés se miraient sur les étendues glacées de la mer alors que des bouées jaunes jouaient de contraste avec la blancheur de la glace. Cécilia, insensible au froid,  déambulait seule comme une automate, le regard perdu vers l’horizon.....

     

    L'Hoazin

    L'Hoazin


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