• ROSARIA (extraits)

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    Apartamento N°400

    .... Originaire de Rio, Rosaria avait passé son enfance avec sa famille au Pedregulho jusqu’à son adolescence. Des années qui aujourd’hui s’étaient consumées par manque de souvenirs précis à quelques exceptions près. Elle revoyait dans son esprit notamment Aria, une fillette longiligne et solitaire, jouer seule sur l’esplanade du Pedregulho. Elles avaient été toutes les deux très proches. Par la suite, au sortir de l’adolescence, Rosaria s’était inscrite dans une école de journalisme. Au bout de quelques années, elle s’était spécialisée dans la rédaction d’articles sur l’architecture et notamment sur des grands  architectes latino américains. C’est ainsi qu’elle en avait fait sur Affonso Reidy, le concepteur de Conjunto Residencial Prefeito Mendes de Moraes,  à Pedregulho. Rosaria avait adoré réaliser cette étude sur l’architecte de l’édifice qui l’avait vu naître. Tombant en ruine, le bâtiment était aujourd’hui sur le point d’être restauré ; décision qui venait d’être prise à l’issue d’un symposium qui avait eu lieu récemment et qui avait réuni les plus grands architectes internationaux. L’achèvement des travaux de restauration était prévu pour 2014...


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    .... Sur le chemin du retour, alors qu’elle s’apprêtait définitivement à quitter les abords de la Mer de Glace, elle fut accostée par un individu d’une trentaine d’année, vêtu d’un pull noir. Après une brève discussion, le jeune homme lui proposa de lui faire visiter la fameuse grotte de glace non loin du fameux hôtel  « Luis Agassiz » ouvert par un ancien psychiatre reconverti en hôtelier.

    Selon lui, l’entrée de la grotte se situait à quelques minutes de l’endroit où ils se trouvaient. Rosaria après quelques instants d’hésitation suivit le jeune homme, passablement intriguée par cette visite. Mais après avoir fait quelques mètres dans la grotte, Rosaria sentit monter une bouffée d’angoisse. Elle n’était pas d’ordinaire claustrophobe, mais la présence si massive de la glace l’impressionnait. L’obscurité des lieux était partielle ; sur les côtés, les murs lisses dévoilaient tout un pan de l’histoire glaciologique de la région. L’épaisseur de la glace relatait des milliers d’années de climat, un véritable livre d’histoire englouti sous terre. Dans la pénombre, la glace arborait des couleurs bleues et blanches et des stries la parcouraient dans le sens longitudinal. Des formes s’y dessinaient. Rosaria avait l’impression de plonger dans les entrailles de la terre toujours plus profondément alors que le froid commençait à l’engourdir. Le jeune homme qui marchait devant elle, restait étonnamment silencieux. Sous ses pas, de l’eau décongelée lui mouilla la plante du pied. Rosaria se souvint soudainement d’Alfonso. Elle l’imaginait dans son cabinet d’orthopédiste de Rio, prodiguant des soins à ses patients. Dans le couloir de glace, le plafond se liquéfiait tandis que sur ses parois océanes, de l’eau suintait continuellement. Rosaria avait de plus en plus de difficultés à se repérer ; en marchant à tâtons dans le  blanc intégral, elle ne cessait de buter et de marcher sur des petits monticules de glace et de neige. Tout à coup, les deux promeneurs débouchèrent dans une pièce qui constituait le clou de la visite. Des fauteuils taillés dans la glace ainsi qu’une table, remplissaient tout l’espace. Le jeune homme lui proposa de s’asseoir. La grotte avec ce mobilier en glace aux formes très contemporaines, était tout à fait surprenante: Le taillage de la glace avait produit un mobilier géométrique et totalement épuré, donnant l’impression d’une sculpture minimale et éternelle. Assis, l’un en face de l’autre, ils se regardaient  attentivement sans mot dire, dans cette solitude pesante et ce silence réfrigérant. La blancheur des lieux les aveuglait ; C’était comme s’ils regardaient les yeux grands ouverts, les rayons du soleil. Rosaria était gênée par cette translucidité aveuglante. L’étrangeté des lieux donnait l’impression qu’à tout moment un revenant cryogénique aurait pu surgir. Les sculptures de glace présentaient des dégradés de couleurs allant du blanc au gris. Par endroits, sur les parois, la glace ressemblait à du marbre. A cet instant, Rosaria  ferma les yeux. Face à elle se tenait un immense frigo qui grondait comme un chien en colère. Elle pouvait lire : Twin Cooling Optimal Freshness...


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